Résumés Session II

- Session II : Mythes et sciences des phénomènes sismiques et volcaniques. Les relations entre mythe, science, religion et manifestations sismiques ou éruptives : (animateurs de la session : Frédéric Le Blay, Université de Nantes & Cristina Viano, CNRS, Paris)

 

BOUILLOT Kevin, École Pratique des Hautes Études (ÉPHÉ) & Université de Montréal (UdeM), Séismes, divination et rationalité(s) en Grèce ancienne : l’oracle grec comme mode d’appréhension du phénomène sismique

Abstract

Apollon parle aux hommes d'une étrange marmite qui bout en Lydie, ou d'un rem part de bois, ou d'un isthme extrêmement resserré, ou d'un tremblement de terre qui vient, ou d'une guerre qui se prépare, ou encore d'une épidémie prochaine.(Maxime de Tyr, Dissertations, XXIX, 7a).

Alors que les sciences modernes ne peuvent prévoir les séismes, les prétentions des anciens Grecs et de leurs dieux à annoncer par des oracles « le séisme à venir », interrogent l’historien. Elles posent la question de l’inscription du phénomène sismique dans la pensée religieuse grecque antique, pour qui le divin préside au « naturel ª et en fait un de ses modes d’action privilégiés. Dans cette optique, le séisme est objet de communication entre les dieux et les hommes, mais aussi mode de communication pour les dieux qui manifestent leur volonté, voire rendent leur terrible justice1.

Mais les historiens ont souvent opposé cette approche à une autre, ancienne également mais jugée plus moderne, plus scientifique, plus « rationnelle » parce que cherchant les causes physiques des séismes. Aristote et Sénèque2, partisans d’une explication par des vents souterrains, ont ainsi semblé s’opposer aux prétentions d’Apollon Pythien annonçant ou expliquant le séisme par la volonté divine.

Cette communication se propose de relativiser voire de dépasser cette opposition en partant de la documentation oraculaire et divinatoire. Un examen approfondi des textes littéraires et épigraphiques montre que la divination grecque ne prétendait pas prévoir le séisme mais l’expliquer, le replacer dans un ordre cosmologique dont les dieux sont des acteurs tout-puissants mais non arbitraires, sensibles aux prières des hommes.

Comme le constatait Jean-Pierre Vernant3, l’appréhension du séisme par la divination ne participe pas d’une « irrationalité » des Anciens, mais d’une tentative d’expliquer l’événement, de l’appréhender intellectuellement, de le rationaliser. Si cette rationalité n’est plus la nôtre, elle n’en était pas moins partagée par la quasi-totalité des Anciens, n’était pas incompatible avec une rationalité davantage physique4, et son étude demeure indispensable à la compréhension de la gestion grecque antique des phénomènes sismiques.

 

1. Comme l’illustrent notamment le séisme qui détruisit Hélikè en 373 avant notre ère, et l’interprétation qu’en propose Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, X V, 48-49.

2. Aristote, Météorologiques, II, 7-8 & Sénèque, Questions naturelles, VI, 1-31.

3. Vernant (Jean-Pierre) (et al.), Divination et rationalité, Paris, Seuil, 1974.

4. Ainsi Strabon, cumule-t-il approches « physique » (Géographie, X, 1, 9.) et divine (V III, 5, 7.).

 

JAMBON Emmanuel, Universität Tübingen, L’Égypte pharaonique face aux séismes

Abstract:

Les sources textuelles égyptiennes des époques pharaonique et gréco-romaine contiennent quelques évocations de mouvements de la terre dont beaucoup peuvent être interprétés comme des séismes. Il n’y a rien là de surprenant puisque la civilisation égyptienne s’est développée dans un environnement dont la sismicité est aujourd’hui considérée comme « modérée », ce qui n’exclut pas le risque de destructions considérables.

Toutefois les informations qui nous sont parvenues ne sont pas les comptes rendus d’événements réels. À notre connaissance, sur les presque trois millénaires de son histoire, la culture égyptienne ancienne ne nous a laissé aucune trace certaine d’un séisme réel ou historiquement datable. La plus grande part des informations dont nous disposons relève donc de la littérature religieuse et en particulier des œuvres développées dans le cadre des croyances et pratiques funéraires. Ce que ces documents nous enseignent sur la vision que les Égyptiens anciens avaient des mouvements de la terre doit donc être interprété à la fois sous l’angle de l’analyse littéraire et sous celui de la cosmologie.

Dans une première partie de la présentation on donnera donc un aperçu de quelques-uns des modèles descriptifs utilisés par la littérature égyptienne pour rendre compte des phénomènes sismiques et assimilés. Dans la seconde partie on s’attachera à mettre en lumière un aspect particulier de cette description, tant au niveau de ses moyens lexicaux que de ses résultats : la place qu’y occupe le monde animal. Enfin, dans une troisième et dernière partie on examinera une représentation cosmologique dont on se demandera dans quelle mesure elle ne serait pas l’équivalent iconographique d’un discours sur l’origine des séismes.

 

Lancini Loredana, CReAAH UMR 6566, Le Mans Université, Façonné par le feu ou comment les phénomènes volcaniques construisent les récits mythologiques.

Abstract

Les sociétés de l’Antiquité, soumises au danger des éruptions volcaniques et des tremblements de terre, ont développé de tentatives d’explications grâce à l’observation empirique et ont essayé de comprendre ces phénomènes à la fois fascinants et redoutables. Un des instruments dont ils se servaient est généralement renommé pour son caractère de divertissement : le mythe. Selon le paradigme de la géomythologie promu à la fine des années 1970 par la géologue D. Vitaliano, il est possible de retrouver la trace des événements géologiques du passé parmi les lignes des récits mythologiques. Certains mythes enrobent le souvenir d’une catastrophe historiquement identifiable, d’autres rappellent plus génériquement la récurrence d’un phénomène naturel. Il n’est pas simple parfois de dévoiler la piste géomythologique, surtout à cause de la stratification et la codification de la matière mythique, mais une analyse attentive et approfondie permet de sélectionner des mythèmes spécifiques qui correspondent à autant de comportements précis du volcan, ou à des phénomènes telluriques-volcaniques secondaires. On abordera donc certains mythes ayant lieu en Sicile et dans le sud de l’Italie et qui peuvent être analysés sous l’angle de l’approche géomythologique, à savoir la lutte de Typhon contre Zeus – on y reconnait l’éruption de l’Etna du 476 av. J.-C. – ; le mythe d’Héphaïstos, qui a sa forge dans un volcan, tantôt dans l’Etna, tantôt dans les îles Éoliennes, et le mythe d’Adranos, son homologue indigène ; le mythe des Géants strictement apparenté à celui de Typhon, mais symbolisant le bradyséisme typique des Champs Phlégréens. On évoquera aussi le culte indigène sicilien des dieux Paliques, dont le temple était localisé en proximité de l’Etna (Rocchicella di Mineo) dans un site d’eaux sulfureuses d’origine volcanique.

Au travers cette étude on veut promouvoir une lecture plus vigilante et consciente du mythe en tant que produit artistique-culturel muni d’une charge résiliente capable de nous donner les atouts pour comprendre la réaction des hommes de l’Antiquité face aux catastrophes naturelles.

 

REGNIER Antoine, Sorbonne Université, Les séismes dans la Météorologie de Théophraste

Abstract

Le texte de la Météorologie de Théophraste, tel que permet de le reconstituer la transmission arabe et syriaque, montre qu’il distinguait plusieurs causes possibles à la survenue d’un séisme, et classait les différents tremblements de terre en fonction de la cause invoquée (effondrement souterrain, chocs plus ou moins violents du pneûma sous la terre, pression souterraine due au feu, déplacement violent de masses d'eau). Cette démarche était incompatible avec la météorologie de son maître Aristote, qui considérait la double exhalaison comme la cause de tous les phénomènes sublunaires, séismes compris. L’étude de ce texte met donc en évidence la possible existence d’un lien entre les polémiques internes au Lycée et la physique épicurienne.

 

Rota Gualtiero, Università di Parma,  Terremoti 'cristiani', tra ortodossia, eresia e... 'ragion di stato'"

Abstract

Le testimonianze antiche quanto alle tipologie dei fenomeni sismici mostrano la tendenza ad informarsi ad esigenze di categorizzazione che finiscono via via per concretizzarsi in peculiari tassonomie sismologiche (vd., e.g., Posidon. ap. Diog. Laert. [VII 154,1329 ss.]; Posidon. ap. Sen. [nat. VI 21,2]; Ammiano Marcellino [XVII 7,13-14]; Eraclito Allegorista [Ail. 38,6]). Si tratta di processi tassonomici che, tuttavia, l'avvento del cristianesimo prima, e la maturazione del cristianesimo stesso poi (specie in chiave bizantina), ebbero buon gioco, talora, a recuperare in imitando, talaltra a variare sulla scia di evidenti istanze di semplificazione: una reductio, in alcuni casi, particolarmente evidente, e la cui scaturigine andrebbe opportunamente collocata entro l'alveo d'una riflessione mirante a riqualificare il fenomeno naturale secondo subentrati paradigmi conoscitivi che non possono prescindere dalle "maglie" epistemologiche dell'orizzonte cristiano. In quei casi, invece, in cui la ripresa, se non l'espansione, della categorizzazione tassonomica antica appaia ispirata cia principi di più marcata adesione al modello, non mancano esempi di adeguamenti motivati cia logiche altre, a testimonianza di come, in determinati, mutati contesti, ideologia cia un lato e Realpolitik dall'altro concorrano a produrre risultati meritevoli d'opportuna considerazione.

 

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